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Photo du rédacteurSasha

3- La promesse du vent ~ Là où vont les pétales

Dernière mise à jour : 17 janv. 2023



À peine avait-elle posé les yeux sur le garçon qu’il lui sembla étrangement familier.

Parmi la foule de passants du marché, parmi toutes ces choses qui perdaient leur densité en sombrant dans la monochromie, lui seul, curieusement, était entouré d’une couleur pâle - comme une carte postale providentielle reçue un jour d’un ami que l’on n’aurait pas vu depuis des années… L’air qu’elle respirait naturellement jusqu’ici avait soudain tout à fait changé de nature ; cet étrange sentiment semblait gagner paisiblement son cœur.

Quand il remarqua le regard de la jeune fille, le garçon manifesta comme de la surprise sur son visage, avant de laisser échapper un doux sourire. Il s’approcha alors calmement et s’arrêta devant elle. Ils se fixèrent tous deux l’espace d’un instant ; puis, il se pencha soudain et ramassa quelque chose à ses pieds.

« C’était tombé... »

Dans la paume de sa main tendue, il y avait un fruit bleu de Tektome. Il avait dû rouler hors de son panier lors d’un moment d’inattention.

« Hmm ? Ah, merci... »

Paniquée, elle attrapa rapidement le fruit en prenant garde à ne pas toucher sa main et la remit dans son panier. Autour de son poignet, son bracelet en forme de serpent tintinnabula.

Alors, la jeune fille qui avait levé son visage dévisagea à nouveau le garçon d’un air intrigué.

« - Pardon, mais... Je ne vous ai pas déjà vu quelque part ?

- Je ne crois pas. J’ai l’impression que c’est la première fois. Enfin, je crois. »

Elle s’était donc fait des idées… Cette étrange sensation de familiarité, ce n’était que son esprit qui lui jouait des tours. Il avait sans doute quelques traits de ressemblance avec une connaissance du passé.

La jeune fille, soulagée, fut prise d’une légère mélancolie lorsqu’elle salua rapidement le garçon et s’apprêta à passer à côté de lui.

« Hé. Attends. »

Au moment où le garçon l’interpella de derrière, un malicieux vent printanier souffla un grand coup et fit virevolter autour d’eux un nombre infini de pétales.

La jeune fille leva la tête sans même s’en apercevoir ; elle vit un grand arbre d’Alca en pleine floraison, dressé sur le bas-côté. Envahi par la folie, il revêtait un calme farouche. C’était un festin à nul autre pareil, d’une simplicité chaotique, abondant et décadent, entre vie et mort.

Les pensées de la jeune fille s’éloignèrent aussitôt du garçon, se dirigeant vers les espiègles fleurs en pleine floraison, puis finalement vers chaque être vivant, comme invitée par les pétales qui tournoyaient.

Elle célébrait la vie le plus sincèrement qu’elle le pouvait ; dans le même temps, elle ne pouvait empêcher la mort de l’envahir. Plus elle mettait de ferveur à l’accomplissement de son existence, plus elle courait, sans avoir un regard en arrière, vers l’apothéose de sa mort. Comme si c’était là que se trouvait la bénédiction de la vie, dans ce sortilège de captivité. Personne ne pouvait s’en échapper. Tous, ils avaient été faits prisonniers dès l’instant où ils étaient nés en ce monde.

Il était alors peut-être préférable de geler entièrement pour éviter la putréfaction... Elle ne pouvait s’empêcher de penser de la sorte, et qui le lui aurait reproché ? Il valait mieux tout abandonner, tout laisser en plan.

« Les fins n’ont rien de triste. Absolument rien. »

Les mots qu’elle entendit à côté d’elle, comme prononcés pour interrompre son monologue intérieur, la ramenèrent à la réalité.

Il leva à nouveau la tête et riva son regard sur l’arbre d’Alca, sur ses branches aux innombrables fleurs.

« Il fleurit avec un tel enthousiasme... C’est déjà bien suffisant. »

Le garçon, qui avait levé les paumes au-dessus de lui et doucement attrapé les pétales qui tournoyaient, ramena ses mains et relâcha celles-ci ; elles s’abandonnèrent une nouvelle fois au vent et s’évanouirent en voletant. Ensuite, il se retourna et regarda la jeune fille droit dans les yeux.

« Nous sommes là. Tous les deux. Nous ne devons pas abandonner, quoiqu’il arrive. »

Après avoir prononcé ces paroles, il eut un sourire gêné.

La jeune fille ne comprit pas quel sens pouvaient bien avoir ses mots. Peut-être que le garçon lui-même, à ce moment-là, n’en savait encore rien. Ce n’était qu’une question de temps.

Quelle personne étrange, quand même… Malgré sa confusion, elle eut envie de suivre son instinct : quelque part dans un coin de son cœur, elle savait que ce n’était pas quelqu’un de mauvais. C’était la première fois que ça lui arrivait.

D’un tempérament extrêmement farouche à l’origine, elle était terrorisée par l’idée de s’ouvrir aux autres depuis son arrivée dans cette ville. Au fond de son cœur gelé et impénétrable, quelque chose semblait prêt à voler en éclats. Il n’y avait sans doute eu, jusque là, qu’une infime fissure. Mais quelque chose était sur le point de changer, parmi la multitude de pétales et le vent printanier. Quel sens cela avait-il ? Personne ne le savait pour l’instant.

Telle fût la rencontre entre Kirite et Kotonoha ; tel fût leur point de départ.



Crédits photographie : Masumi Takahashi

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