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  • Photo du rédacteurSasha

8- Rencontre infortunée ~ La tombée des ténèbres

Dernière mise à jour : 17 janv. 2023



Transportant une infinité de feuilles mortes jaunies, le vent sec passait à côté de Kotonoha et parcourait tristement la route que l'on n'empruntait plus.

Regardant derrière elle d’un air mal assuré, la jeune fille resserra son sac sur sa poitrine et accéléra.

Ces derniers jours, la nuit s’était mise à tomber très tôt. Un instant d’imprudence et c’était comme si l’obscurité vous avait rattrapé pour vous emporter.

Depuis l’été, une rumeur terrifiante circulait en ville. Une personne se faisant appeler Orochi attaquait des gens ici et là. Les malchanceux qu’il ensorcelait disparaissaient tout à coup, si bien qu’ils semblaient en premier lieu n’avoir jamais existé en ce monde.

Les rumeurs ne s'arrêtaient pas là. Apparemment, Orochi ne faisait qu’une bouchée de ses victimes. Adulte ou enfant, homme ou femme, peu lui importait ; telle une bête affamée, il se jetait sur ses proies qu’il choisissait sans faire ni distinction, ni discrimination.

Où et quand Orochi montrerait-il ses crocs ? Nul ne pouvait le prévoir. Personne ne connaissait ses intentions ni n’avait vu son vrai visage.

L’homme qui se tenait l’air de rien à côté de vous, c’était peut-être lui. La femme qui vous rendait votre monnaie, tout sourire derrière son étal, c’était peut-être lui. C’était peut-être bien votre meilleur ami… Ou votre amant le plus cher.

Puis, à la seconde d’après, ce serait peut-être vous, la personne qui se ferait avaler tout entière par les ténèbres glacés avant de disparaître de ce monde…

Les villageois n'avaient pu qu'accepter l’existence d’Orochi. Ils avaient baissé les bras sans même sortir les armes. Ce destin inextricable aurait-il été décidé à l’avance, au commencement du monde ? Orochi serait-il apparu, quoiqu’il advienne, pour dévoiler ses effroyables crocs ?

Quelqu’un avait eu l’audace d’expliquer, un sourire cynique aux lèvres, qu’il ne s’agissait que de la mort elle-même qui frappait tout un chacun, abruptement, sans pitié et en toute partialité.

Cependant, quand il vit que sa petite fille n’était toujours pas rentrée alors qu’il faisait nuit noire et qu’on lui tendit l’une de ses petites chaussures rouges, sans doute tombée dans la rue, ce n’était plus un sourire qu’il y avait sur ses lèvres mais un hurlement sorti de ses entrailles qui se réverbérait dans l’aube de la ville.

La ville entière était enveloppée dans un tourbillon d’effroi et de méfiance.

Une seule chose était sûre : on n’était plus en sécurité nulle part ici-bas.

Orochi arrivait. Il serait bientôt chez vous. Arborant le sourire de quelqu’un que vous connaissez.

La seule personne à qui l’on pouvait encore se fier, c’était soi-même. Était-ce vraiment votre parent ? Votre frère ? Votre amie ? Votre amant ?

Orochi dévorerait le monde. C’était inéluctable.

Il n’y avait pas âme qui vive.

Depuis la propagation des rumeurs autour d’Orochi, plus personne ne sortait à la nuit tombée à moins d’y être absolument obligé. Dans la sécurité de son foyer, on se pelotonnait près du feu apaisant en se disant que comme ça, il ne nous arriverait rien, que la malchance irait poursuivre quelqu’un d’autre… Chacun voulait y croire coûte que coûte. Aveuglément.

Au moins, on était plus en sécurité chez soi que dans l’obscurité du dehors. Pas complètement, mais quand même.

Le ciel se couvrait de nuages sombres ; pas une étoile n’était visible, sans même parler du clair de lune.

Quelque part dans le lointain, un oiseau nocturne entonnait un triste chant.

Kotonoha avait le sentiment d’être poursuivie par quelqu’un - quelque chose, plutôt ; elle pressa le pas, inquiète de ce qui pouvait bien se trouver derrière elle.

Mais non. Tout allait bien, ce n’était qu’une impression. Ce n’était rien. Il n’y avait personne. Quelle idiote elle faisait, à avoir peur de son ombre…

Elle tourna au coin d'un magasin et, quand elle leva soudain son visage, les ténèbres étaient là, encadrés dans les lumières de la vitrine, devant ses yeux.

« Bonsoir, Kotonoha. »

Son sac en cuir émit un bruit sec en tombant sur la route pavée.

Une bête aux yeux brillant avait surgit. Et, tout en poussant un cri aigu...

Elle ouvrit grand la bouche pour hurler.

L’instant d’après, Kotonoha avait disparu.



Crédits photographie : Masumi Takahashi



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